Cher badistes,
Je vous l’avais annoncé il y a bien longtemps. Voici enfin la fiche technique consacrée au cri qui tue.
Tout d’abord, un peu d’étymologie. Ce que certains appellent le cri qui tue prend sa source au japon (encore que son origine semble provenir de la Chine) et se nomme « Kiai ».
Le mot se décompose en :
- « ki » et désignant l'énergie interne, l'âme, l'esprit, la volonté…
- « ai » (contraction de « awasu »), qui voudrait dire « réunir », mais qui correspond vraisemblablement plus au cri que l’on pousse naturellement en se prenant une châtaigne sur la porte de sa vieille bagnole par exemple.
En voici sa définition :
- Citation :
- « Le kiai est un cri particulier : l'air est bloqué au niveau de la gorge ou de la glotte par la contraction des muscles. Anatomiquement, ce mouvement, s'il est bien contrôlé, peut provoquer la contraction simultanée de la plupart des muscles du torse et de l'abdomen, ce qui peut amortir les coups reçus par le pratiquant. »
En somme, c’est un cri quoi…
Miyamoto Mushashi, dont je vous ai déjà venté les mérites, s’est penché sur la question. Il faut savoir que la légende veut qu'il aurait tué un scorpion en poussant un cri inaudible, faisant chuter l'animal mort devant son adversaire, lequel, impressionné, prit la fuite. A-t-il tuer le scorpion en faisant entrer en résonance ses organes internes ou l’a-t-il simplement empoisonné avec son haleine fétide ? Difficile à dire. Mais bon, puisqu’il a l’air de toucher pas mal en cri qui tue, je vous propose d’étudier ensemble ce qu’il nous a transmis à ce sujet dans son célèbre « traité des cinq roues ».
- Citation :
- « Il y a trois sortes de cris:
- le premier cri,
- le cri du milieu,
- le cri final. »
On notera au passage l’austérité des ces appellations. Point de cri du cygne sauvage flamboyant ou de hurlement du flexible roseau venté.
- Citation :
- « Ils correspondent exactement à un moment du combat. Le cri est un signe de force. Donc on crie face à un incendie. On crie pour vaincre le vent ou la vague. Le cri montre la force. »
Cette partie me fait particulièrement plaisir. c’est précisément ce que j’essayais d’expliquer à un de mes collègues qui m’a fait « bouh » en surgissement dans mon bureau alors que j’étais concentré sur mon travail. Ce jour là, je n’ai pas crié comme une fillette : je montrais juste ma force.
- Citation :
- « Dans la tactique de masse, le cri poussé au début doit être le plus exagéré possible, tandis que le cri poussé au cours du combat doit être d'un ton plus grave et venir de la profondeur du ventre. »
Par « tactique de masse », Miyamoto Musashi parlait du double, comme vous l’aurez compris. Il faut savoir que depuis, les règles du badminton sont devenues un peu plus strictes alors allez-y mollo quand même sur le cri du début…
- Citation :
- « Après avoir enlevé la victoire, on pousse un grand cri fort. Ce sont là les trois sortes de cris. »
Ce n’est pas la première fois que je le répète mais le « Mange ! » immortalisé par Fabien lors d’un tournoi il y a quelques années, suite à un smash vengeur, me semble quand même un poil déplacé, même avec du recul. Il faut pourtant reconnaître pour sa défense que c’est tout à fait en accord avec la Voie du Sabre.
- Citation :
- « Aussi dans la tactique individuelle, pour faire bouger l'adversaire on fait semblant de lui porter un coup en poussant un cri, et on porte le coup de sabre, après ce cri. Il arrive aussi qu'après avoir porté le coup on pousse un autre cri: c'est le cri de la victoire. Ces deux cris sont appelés "cris précédant et suivant". Il faut éviter de pousser un grand cri en même temps que l'on porte un coup de sabre. Si l'on pousse un cri durant le combat c'est afin de se fixer sur un rythme. A ce moment-là on pousse un cri sur un ton grave. Réfléchissez-y bien. »
J’avoue que même en remplaçant « sabre » par « raquette », ça peut paraître un peu confus au début. Cependant, en grand pédagogue, Miyamoto Musashi nous livre la clé de ce paragraphe par ces trois mots magiques : « Réfléchissez-y bien ». Cet homme était un vrai sage.
Je me permettrais tout de même en toute humilité d’ajouter deux autres sortes de cri. Le cri de l’entre milieu et le cri de l’avant fin.
Le cri de l’entre milieu est le cri que l’on pousse lorsque l’on se fait un claquage à l’abducteur droit en glissant sur une foutue goutte de sueur qui vous oblige à faire un grand écart fort douloureux pour une personne qui ne possède qu’une souplesse toute relative. Ne souriez pas, ça fait vachement mal.
Le cri de l’avant fin est le cri que l’on pousse lorsque l’on perd un point, afin de libérer sa frustration et se sentir mieux après. Ce cri doit être poussé très fort, contenir un ou plusieurs jurons et peut à certaines occasions s’accompagner d’un lancer de raquette. Réfléchissez-y bien. Miyamoto Musashi n’en parle pas pour une raison bien simple. Quand on joue au badminton avec un sabre tranchant sans volant ni filet, perdre un point revient à recevoir quelques centimètres d’acier trempé dans des endroits de l’anatomie humaine guère prévue à cet effet, genre une gorge ou un poumon. Le cri perd alors très nettement en intensité.
Voilà une nouvelle fiche qui devrait vous permettre de vous rapprochez un peu plus de la Voie de la Raquette.
Ne manquez pas le prochain numéro : le coup fantôme.